Maintenant que François Bayrou a utilisé le mot de « désamour », il est temps de nous interroger sur les raisons, bonnes ou mauvaises, qui ont amené les citoyens européens à ressentir ce sentiment.
Les 27 ne sont pas une collectivité unie ; il y a un fossé profond entre le clan des anglo-saxons et assimilés, et les fondateurs et assimilés. Les partis favorables à l’Europe « politique », celle qui veut refléter des valeurs et bâtir une société, doivent reconnaître cette situation soit pour convertir les partisans du marché, soit pour imaginer une évolution de l’Union permettant d’atteindre leurs objectifs, et cesser de faire semblant de ne pas voir le problème. Par ailleurs, autoriser des exemptions sans contrepartie, ce qui aboutit, par exemple à ces députés britanniques qui participent à l’élaboration de lois qui ne seront pas appliquées dans le Royaume-Uni, obscurcit dangereusement les objectifs de l’Union.
Le clan du libéralisme ne connaît pas de limite à ses appétits : François Bayrou citait récemment la libéralisation des jeux d’argent comme abus manifeste de l’utilité de la concurrence. La commission a aggravé cette impression avec ses Commissaires de la concurrence, véritables extrémistes d’une thèse imparfaite, qui ont déjà causé de graves dégâts, par exemple en s’opposant à des fusions pourtant rationnelles à l’échelle de l’Union. Elle est en train de creuser encore le fossé, avec la prétention de confisquer les réseaux de distribution d’énergie à ceux qui les ont construits ; s’agissant d’une infrastructure vitale, on perçoit mal l’intérêt collectif d’en permettre l’usage par d’autres exploitants dont la performance consistera, dans le meilleur des cas, à détourner la recette qu’en retirait légitimement le constructeur. L’intérêt pour le consommateur est inexistant.
Les institutions de l’Union ne permettent pas au citoyen européen de se rendre compte de la manière et de l’efficacité avec laquelle leurs représentants (députés et ministres) défendent leurs intérêts. Les médias, qui devraient jouer un rôle dans ce domaine, parlent facilement des sanctions dont la Commission menace leur pays, souvent pour des retards dans l’application de règles à la préparation desquelles les dits représentants ont participé, mais ne marquent guère d’intérêt pour faire le suivi de ces questions AVANT la fin du délai permis. En vérité, pour motiver tout ce monde plus ou moins complice, il faudrait une sorte de Cour des Suivis, afin que les représentants du peuple soient obligés de répondre de la mise en application effective des textes européens dans les délais prescrits.
Dans le même ordre d’idée, les accords internationaux signés par l’Union entraînent des conséquences pour leur nation, qui nécessitent souvent des adaptations plus ou moins longues et complexes. Le cas des quotas textiles négociés avec la Chine en 1995 pour 10 ans est typique de certaines incuries de l’État au sens le plus large (Institutions, Gouvernement, Administration). Ces 10 années offertes à une adaptation rationnelle ont été totalement perdues par un système incompétent et paresseux qui s’est permis de constater sur un ton de surprise scandalisée qu’une véritable invasion de produits textiles chinois apparaissait en janvier 2006 (produits commandés par les distributeurs nationaux en 2005, car eux suivaient le dossier), Là encore, la Cour des Suivis aurait été indispensable.
Sur le chemin de l’Europe puissance, il y a l’Europe diplomatique, celle de la puissance douce. Elle se trouve souvent dans un situation peu claire, celle où le conflit éternel entre le réalisme des rapports de force et l’idéalisme des valeurs universelles se colore beaucoup du second, ce qui est souhaitable jusqu’au point ou cela nuira à nos intérêts au point de ne plus pouvoir utilement défendre nos valeurs. Comme le dit H. Védrines « la diplomatie n’a pas été inventée pour ne parler qu’à nos amis », et il ajoute que Bush, classant le monde entre amis et ennemis et décidant de ne plus parler aux ennemis et, ne parlant plus, il décide d’imposer sa démocratie de l’extérieur, a fait le contraire de la diplomatie, ce qui explique ses échecs. Il faut donc trouver le chemin étroit sur lequel on ne ferme pas les portes diplomatiques d’un côté tout en pratiquant de l’autre une assistance financière, matérielle et morale aux mouvements aspirant à leur propre application de la démocratie.
The problem is the nation-state
Il y a 4 heures
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire