18.6.08

La politique est-elle un métier ?

Le débat sur le cumul des mandats est relancé. Nous voudrions trouver la bonne solution car les arguments sont troublants. Alors reprenons le problème à la base.

1. À partir moment où on refuse l’élection à vie, qui aurait pourtant le mérite de réduire le nombre d’élections toujours coûteuses et sources possibles de troubles, il faut fixer une durée au mandat. Cette durée doit être assez courte pour que l’élu n’ait pas le temps d’abuser des pouvoirs qui lui sont confiés, et assez longue pour que la période de mise au courant puisse être « amortie » sur une période plus longue d’efficacité de l’élu. Cet objectif atteint, il faut se demander si l’élu peut postuler à un autre mandat électif en même temps qu’il exerce le premier, sans renoncer au premier, ou en renonçant au premier. Les Romains, qui ne plaisantaient par en ces matières, répondaient non, probablement pour éviter la concentration des pouvoirs qui ne pouvait excéder, de leur point de vue, les définitions qu’ils avaient données des mandats ; en effet permettre de cumuler deux mandats est équivalent à la création d’un nouveau mandat détenant davantage de pouvoirs sans que cela résulte des actes constitutionnels ou leurs équivalents. Il faut aussi se demander s’il faut autoriser le renouvellement du même mandat pour un élu. Les Romains, encore eux, exigeaient un intervalle de dix ans pour le renouvellement d’un mandat donné, sauf pour une fonction particulière dont le mandat ne pouvait être renouvelé du tout ; on voit le souci que l’influence acquise en raison du pouvoir détenu lors du premier mandat ait le temps de s’estomper jusqu’à disparaître avant que l’élu revienne au pouvoir.
Il serait dont intéressant, utile et probablement nécessaire que les avocats du cumul nous expliquent en quoi la nature humaine du XXIème siècle s’est tellement améliorée qu’elle permet d’affranchir maintenant les élus des obligations si manifestement nécessaires dans une république pourtant beaucoup moins démocratique que la nôtre.
2. En admettant qu’ils y parviennent, ils devraient alors expliquer pourquoi il est préférable de donner plusieurs mandats au même élu ou de permettre à un élu de renouveler le même mandat sans limites, plutôt que de faire accéder à la représentation du peuple d’autres citoyens. L’argument usuel consiste à dire que le monde moderne est si complexe que la solution de ses problèmes nécessite une compétence qui ne se trouve que chez les citoyens déjà élus, dans le même mandat ou dans un autre ; cela revient à dire que les « déjà élus » ont une capacité à acquérir la compétence requise supérieure à celle des « pas encore élus », ce qui semble pour le moins audacieux. Mais sur le registre de la compétence, il y a malheureusement une objection douloureuse fondée sur la performance. En effet, cette population d’élus (quelques milliers de personnes) qui prétend que leur compétence a transformé la vie politique en métier, ne peut présenter des résultats sur les 25 dernières années qui démontreraient leur adaptation réussie au monde complexe auquel ils font référence. Pendant ces 25 années, leur gestion de la France n’a aboutit qu’à un déclin indiscutable, causé par leur incapacité non seulement à anticiper les difficultés, mais simplement à y adapter la nation. Il leur est impossible de démontrer que le partage de leurs mandats avec quelques milliers d’autres citoyens aurait eu des conséquences défavorables. Ils sont en train de verrouiller dans la médiocrité, leur médiocrité, tout un peuple.

Alors, à la question initiale, la réponse est NON, la politique n’est pas un métier. Et la compétence n’est pas le problème ; le propre de la complexité est d’obliger à prendre des décisions dans un univers incertain ; c’est ce que font à longueur d’année non seulement les élus mais aussi tous les cadres, ingénieurs, responsables divers et dirigeants de tous les pays. On doit uniquement compter sur leur capacité d’adaptation à des responsabilités nouvelles, et rien ne nous permet d’en douter.

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