7.11.04

Euro fort ou Dollar faible ?

Beaucoup s’inquiètent car l’Euro fort nuirait aux exportations européennes. Cela demande à être nuancé ; en effet, la force relative de l’Euro ne résulte pas d’un mouvement qui lui soit propre, mais exclusivement de la faiblesse du Dollar qui s’est manifestée de la même manière par rapport au Yen et à la Livre ; de ce fait, notre position compétitive n’a pas changé par rapport aux pays exportant dans une devise autre que le Dollar, ce qui représentent 48% du commerce mondial.

Il reste donc 52% du commerce mondial qui est facturé en Dollars, part sur laquelle notre position compétitive pourrait s’être dégradée. Mais cette part comprend les produits pétroliers et les matières premières, deux catégories où nous sommes importateurs nets. Leur facturation en dollar a entraîné les conséquences suivantes sur nos coûts :
- lorsque le baril de pétrole était coté 25$, cela équivalait à 28.9€
- le baril de pétrole à 50$ équivaut maintenant à 39€
Ainsi, lorsque nos coûts en énergie ont augmenté de 35%, ceux de nos compétiteurs facturant en dollar ont augmenté de 100%.

Il en va de même pour les matières premières pour lesquelles les augmentations n’ont pas dépassé 50%, ce qui aboutit à une augmentation du coût des matières premières pour nos compétiteurs alors que les nôtres n’ont pratiquement pas bougé.

En conséquence, sur la part de 52% du commerce mondial facturée en dollar, les produits ayant un fort contenu en énergie, en sous-produits du pétrole et en matières premières verront notre compétitivité maintenue sinon améliorée. Il reste ceux qui ne contiennent pas ou contiennent peu de ces composants, pour lesquels il y a effectivement perte de compétitivité.

Polémique fiscale

Chaque modification de la fiscalité donne lieu à des salves d’arguments d’une invulnérable mauvaise foi puisque fondés d’une part sur un aspect apparemment indiscutable de la modification (« comment osez-vous encore diminuer les impôts des nantis » ou « cette augmentation est injuste car elle aggrave encore la situation des plus démunis »), et d’autre part sur l’omission soigneuse de la part effective de la réforme dans un tableau plus vaste et donc plus sensé du problème.

Le dernier exemple en date porte sur la déduction des salaires et charges des emplois familiaux. Les employeurs étaient jusqu’alors autorisés à les déduire dans la limite de 10000€ (un emploi familial à temps complet coûte environ 22000€ par an : 12000€ de salaire et 10000€ de charges), et il était envisagé de porter cette limite à 15000€. Cela fut immédiatement présenté comme un cadeau aux nantis (tentant insidieusement d’assimiler les employés familiaux aux domestiques d’une bourgeoisie par définition profiteuse voire oisive dont ils constituent un élément du train de vie - très important le train de vie fiscal pour contester une déduction) en oubliant simplement que cette mesure avait déjà eu deux effets très positifs : réduire la plaie sociale du travail noir, et permettre la création de quelques dizaines de milliers d’emplois stables.

Mais ce qui est frappant dans cette affaire, c’est que la règle devrait être la déductibilité de la totalité des salaires et charges, sans limitation, puisque le salarié est imposable sur les revenus de son emploi familial, comme n’importe quel autre salarié. Cette double imposition, même partielle est injustifiable, et c’est sans doute la raison pour laquelle elle n’est jamais évoquée.

C’est d’autant plus choquant que l’assistance à domicile est rendue nécessaire à notre époque aux femmes actives dont le revenu ne peut être généré que grâce à l’assistance à domicile dont le coût devrait donc être déductible en totalité. Curieusement, cela n’est jamais dit.


3.11.04

Réformer la loi Galland ? (Suite)

M.E. Leclerc va être content, le projet de loi préparé par Bercy lui donne satisfaction, et va probablement au-delà de ce qu’il espérait. Il va être autorisé à déduire les sommes rackettées au titre de la « coopération commerciale » de ses prix d’achat et donc de son prix de vente, et cela en totalité à partir du 1er janvier 2007 (partiellement avant cette date). En pratique, la méthode est tellement compliquée qu’elle va être rigoureusement incontrôlable, ce qui ne la rend que plus conforme à l’objet poursuivi par M.E.Leclerc.

Le but poursuivi par M.E. Leclerc, on ne l’a pas oublié, est de pouvoir faire la promotion d’articles à des prix inférieurs aux prix de facture, prix auxquels ses concurrents achètent effectivement ces articles, afin de les détruire. Le prétexte de rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs est une aimable plaisanterie : la vente à perte ne pouvant se pratiquer longtemps sur une part significative du chiffre d’affaires, il ne s’agit que d’opérations promotionnelles limitées dont l’impact sur le résultat est délibérément limité comme celui sur le pouvoir d’achat.

C’est par des pratiques commerciales de ce type que l’on a virtuellement fait disparaître le commerce de proximité et de centre-ville, au prix de dizaines de milliers d’emplois qui ne furent que très partiellement remplacés par des emplois de caissières à temps partiel et de personnels de sécurité.

Lettre à mes amis Américains

Dear American friends

I don’t want to wait any more to congratulate you. Not only I understand and approve that when the whole world keeps telling you what sort of president to elect, you choose the opposite, but frankly I would have done the same. As a matter of fact, I did the same when I re-elected Charles De Gaulle in the past (Well, Charles De Gaulle was not exactly made of the same stuff as G.W.B., but he did bother some people abroad too).

But this decision of yours is also the correct one because it gives a chance to G.W. Bush to pursue the pre-emptive war he has started in Iraq, and ultimately to collect the glory he deserves. Giving such an opportunity to Kerry would have been specially unfair.

If another reason was necessary to justify the re-election of G.W.B., I would mention the budget deficit, the manageability of which, once demonstrated, would give to him a leading position on the list of applicants for the next Swedish economy prize.

I am also impressed by the observation that G.W.B. receives direct advice from God, which is a unique asset for a government. With the notable exception of Joan of Arc, we have never been able, on this side of the ocean, to durably secure His assistance, and He knows nevertheless than we could have use it more than once.

I wish you, my dear American friends, to enjoy as much as you can the next four years which will be the last presided by G.W.B.

Friendly yours,

Le Gaulois

P.S. : Next time your President get in touch with God, could he be so nice as to suggest that He allocates some blessings to the EU, with one being specifically earmarked for France. Thanks.

26.10.04

Réformer la loi Galland ?

La critique de la loi Galland faite par M.E. Leclerc (« je voudrais baisser mes prix de vente, mais la vilaine loi m’en empêche ») semble ignorer que le prix de facture pratiqué par les fabricants dépend de toutes les charges auxquelles ils doivent faire face, y compris les marges arrières. C’est à dire que les prix de facture seraient moins élevés si les exigences de la grande distribution étaient moindre. Mais puisque la grande distribution exige des fabricants qu’ils supportent des coûts de distribution (ce que les marges arrières recouvrent essentiellement), elle ne peut s’étonner que les prix supportés par le client final les incorporent.

Cela conduit l’observateur impartial à poser quelques question pour clarifier le débat.

1ère question : La revendication de M.E. Leclerc suppose que ses prix de vente des produits de marque sont, avant toute réforme de la loi Galland, égaux au prix minimum de vente, c’est à dire le prix d’achat. Est-ce le cas ?

2ème question : On nous dit que les marges arrières représentent des montants considérables, on mentionne des chiffres de 30, 40 et même 50% du prix d’achat, et cela sur tous les produits de marque qui composent 50% du chiffre d’affaires. Où cela se cache-t-il dans le compte d’exploitation des grandes surfaces qui publient des résultats montrant quelques points de bénéfice, très insuffisants pour contenir les marges arrières. Serait-il possible que lesdites marges arrières soient versées aux centrales d’achat situées, mondialisation oblige, à l’étranger ?

3ème question : Les accusations portées par ME Leclerc contre les fournisseurs impliquent qu’ils augmentent leur prix de facture de manière abusive, ce qui signifie qu’ils n’auraient à craindre aucune concurrence. Est vrai dans la généralité des cas ? Au cas où leurs augmentations seraient faites sous l’empire de la nécessité résultant des exigences des grandes surfaces, ce qui est au moins plausible, n’est-ce pas préférable à la disparition du produit qui ne pourrait plus être vendu à des conditions normales, voire à la disparition du producteur?

4ème question : La prohibition de la vente à perte résulte du fait qu’il est évidemment malsain de vendre moins cher que cela ne coûte ; l’objectif du commerçant pratiquant la vente à perte est de sacrifier un article soumis à la concurrence et de se rattraper sur des articles moins concurrencés, dans le but de nuire à ses concurrents. Mais comment se définit la vente à perte ? La loi Galland adopte une définition simple : il y a vente à perte lorsque le prix de vente est inférieur au prix de facture net, avant toute diminution représentative des marges arrières. On voit bien que la référence au prix d’achat est faite au détriment d’une définition économique de la vente à perte qui ferait référence au prix de revient, c’est à dire l’ensemble des coûts qu’il a fallu exposer pour amener l’article considéré dans la réserve du point de vente, c’est à dire non seulement le prix net de facture majoré du port, mais aussi le coût de commande, le coût de réception, et le coût d’entreposage avant mise en rayon. Ainsi, dans la définition de la vente à perte, il y a lieu non pas à diminuer le prix d’achat mais à le majorer des coûts exposés par l’entreprise et ne figurant pas sur la facture d’achat.

5ème question : Quelle est la nature des marges arrières ? Ce sont de pseudo-services facturés par les grandes surfaces aux fournisseurs ; ces services étant décrits en général comme des frais de distribution (affichage, publicité, mise en avant, etc.) ; de ce fait, ils n’appartiennent aux éléments du prix de revient, mais aux frais généraux. Cette distinction est tellement importante qu’elle entraîne des taux de TVA différents pour le produit soumis au taux réduit, et les facturations de services qui y seraient relatives. En outre, il est évident que l’imputation produit par produit d’une facturation de catalogue publicitaire qui en comporte des centaine, est impossible, et si elle l’était serait pratiquement incontrôlable. Il est amusant de noter que ME Leclerc ne veut pas majorer le prix d’achat d’éléments venant du prix de revient, ce qui serait rationnel, mais veut en déduire des éléments de frais généraux, ce qui ne l’est pas.

Tout ceci ne devrait inciter personne à modifier la loi Galland, mais ce que veut M.E. Leclerc, c’est pouvoir clamer urbi et orbi qu’il vend moins cher que d’autres commerçants achètent, ce que la loi Galland l’empêche de faire dans le but de laisser une chance à la concurrence d’exister.

4.10.04

Incohérence

Les hôpitaux de l’Assistance Publique emploient des milliers de médecins et chirurgiens étrangers ; ils ont aussi « importé » des infirmières espagnoles pour réduire le déficit de 80000 infirmières créé par l’instauration des 35 heures ; on nous rappelle à chaque rentrée que faute de professeurs titulaires, on a recours à des vacataires étrangers.

Or, la mondialisation entraîne la délocalisation des emplois industriels les moins qualifiés, perte que l’on doit compenser par le développement d’emplois qualifiés non délocalisables. Ces emplois se situent, pour ce qui nous intéresse ici, dans le secteur de la santé, et de l’enseignement, mais également dans la sécurité et la maintenance. Il y a donc une incohérence manifeste dans les recours massifs à de la main d’œuvre étrangère (hors UE) qualifiée pour remplir des fonctions non délocalisables.

Les causes de cette incohérence sont les suivantes :
- les médecins étrangers constituent un expédient pour faire baisser les dépenses, expédient qui devient une nécessité quand le recrutement de médecins nationaux devient impossible parce que une bureaucratie irresponsable a réduit le nombre de médecins formés par le système dans le but de réduire les dépenses de la couverture maladie: magistrale erreur de prévision.
- Les infirmières étrangères résultent d’un besoin nouveau, fortuitement apparu suite à une « avancée sociale » elle-même subrepticement appliquée à la fonction publique initialement exclue du bénéfice de la loi sur les 35 heures (à juste titre, et en particulier pour ses conséquences dévastatrices sur l’hôpital). En supposant qu’il faille néanmoins l’appliquer à l’hôpital, rien n’empêchait de lancer un programme de formation d’urgence, et de la mettre en vigueur progressivement. Dans cet exemple, la faute ne réside plus dans une erreur de prévision mais dans une absence de prévision, le plaisir immédiat des promoteurs de la réforme rendant inutile toute anticipation de ses conséquences néfastes.
- Le cas des professeurs vacataires étrangers est moins clair, comme tout ce qui concerne l’Education nationale : politique syndicale, malaise du mammouth, errements bureaucratiques, difficile à dire. Quoiqu’il en soit, il s’agit aussi d’une incohérence avec une politique rationnelle de l’emploi en France.

Il semblerait donc que notre cher et vieux pays, dont le moins que l’on puisse dire n’est pas qu’il est sous-administré, manque d’un niveau de contrôle portant sur la cohérence des actions du gouvernement et des administrations ; on aurait pu penser que le Plan était le lieu idéal de ce contrôle, mais il a perdu son prestige et son autorité ; ce pourrait être une des principales responsabilité du Premier Ministre, mais c’est un problème secondaire pour un homme politique, fort satisfait de lui-même quand il a pu ne pas se contredire pendant une heure entière. Alors il reste le président …

Tant pis pour la cohérence … , peut-être en 2007...