20.12.08

Les activités pour compte propre des banques

Pour ceux qui s’intéressent à l’opinion des Américains sur la crise et la finance, le blog « Quoting the Crisis » est une source prolifique de références. Hier il nous a amené une citation de Paul Krugman, extraite de son billet du NYTimes[1] : « Au cours des dernières année le secteur financier a représenté 8% du PNB américain, au lieu de moins de 5% précédemment. Si ce supplément de 3% n’a servi à rien – et c’est probablement le cas – on parle d’environ 400 Milliards de $ par an de gaspillage, tromperie et pratiques abusives. »
Il faut l’autorité d’un prix Nobel pour oser une telle accusation, mais maintenant qu’il a ouvert le débat, on aurait tort de ne pas le poursuivre. Et cela d’autant plus que cette accusation va à contre courant du discours fréquent nous alertant sur l’impérieuse nécessité de ne pas freiner l’expansion de la création financière si profitable à l’économie (paraîtrait-il, ce que ne croit apparemment Paul Krugman), et que ne manquerait pas de causer tout renforcement de la régulation.
On nous a expliqué à juste titre que la finance jouait un rôle irremplaçable dans l’économie, et qu’il était donc de l’intérêt général d’empêcher les banques de faire faillite. Ce point n’étant pas contesté, il en résulte un statut de quasi service public justifiant les soutiens qui leur sont accordés, voire imposés, jusqu’à la nationalisation si nécessaire. A partir de là l’intérêt général implique que la mission du système bancaire soit légèrement redéfinie, l’intérêt de la corporation financière devrait-il, non moins légèrement, souffrir de sa soumission à l’intérêt général.
Dans l’absence de statistiques solides, les informations dont on dispose permettent cependant d’affirmer que les activités pour compte propre des banques on soit été la cause de pertes considérables causées par une organisation insuffisante ou par une sous estimation des risques pris, soit généré des profits pour le moins discutables par trahison des intérêts de leurs propres clients, c'est-à-dire exactement les gaspillages, tromperie et pratiques abusives dont parle Paul Krugman. Rien ne devrait donc s’opposer à l’obligation de sortir les activités pour compte propre du statut bancaire ; si les actionnaires des banques veulent les poursuivre, libre à eux de constituer, hors du capital de la banque et de ses services, toute entreprise adaptée à cette activité, mais non susceptible de mettre en péril une banque.
A ceux que choquerait une telle mesure, demandons ce qu’ils penseraient si on autorisait d’autres corporations à entretenir aux frais de l’économie réelle une activité pour compte propre ; par exemple si les professions de santé s’organisaient pour qu’un étage de tous les hôpitaux se consacre uniquement aux personnels de santé ; s’y concentrerait l’élite du corps médical pour soigner le corps médical au moyen des techniques, matériels et molécules de dernier cri, le tout au frais de l’économie générale.
[1] http://www.nytimes.com/2008/12/19/opinion/19krugman.html?_r=3&em
« […]In recent years the finance sector accounted for 8 percent of America’s G.D.P., up from less than 5 percent a generation earlier. If that extra 3 percent was money for nothing — and it probably was — we’re talking about $400 billion a year in waste, fraud and abuse. […]”

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