1.11.08

Au sujet des paradis fiscaux

Le développement insolent des paradis fiscaux, associé aux crises qu’on les accuse de provoquer, amène à s’interroger sur les services qu’ils doivent rendre à leur clientèle pour ainsi la fidéliser et l’accroître.
La liste non limitative de ces services doit s’établir, pour le vulgum pecus auquel je m’honore d’appartenir, à peu près ainsi :
- permettre aux mauvais citoyens d’échapper à l’impôt de leur pays ;
- permettre aux gains de personnages peu fréquentables d’être blanchis autorisant ainsi leur propriétaire à reprendre, peut-être, les apparences d’un bon citoyen, et en tout cas à son argent d’être utilement recyclé ;
- permettre aux États de s’affranchir de toute loi, comme ils l’ont toujours fait.
Ce que l’on appelle « paradis fiscaux » sont en vérité des enfers légaux ; il est donc normal que les nations adeptes de l’état de droit souhaitent les interdire, comme ils disent.
Cette fois, la crise et les difficultés budgétaires motivent plutôt le désir de récupérer l’impôt que celui de rétablir la morale, mais bon …

Jusqu’à présent, les tentatives de convaincre les paradis fiscaux de renoncer à leurs fructueuses opérations bancaires n’ont pas été réussies. Il va donc falloir trouver d’autres méthodes ou d’autres arguments. Il y a en effet deux manières de procéder : soit interdire les mouvements de capitaux vers les paradis fiscaux, soit avoir accès à une information détaillée et complète de tous les mouvements en provenance ou à destination des dits paradis.
L’interdiction des mouvements de capitaux pouvant être difficile à imposer, il reste le contrôle des mouvements.
Et cela ne doit pas être une mauvaise idée car nos amis américains ont mis en place après le 11 septembre un programme de surveillance portant sur les transferts bancaires internationaux transitant par SWIFT ; ce programme, géré par la CIA, a été révélé par la presse américaine le 23 juin 2006. Cette surveillance est dirigée vers tous les mouvements passant par SWIFT, quelque soient les pays de départ ou d’arrivée[1]. Tout ceci ayant été fait sans la moindre information à l’U.E., sans parler d’une discussion, on s’alarme en Europe des possibilités d’espionnage économique et accessoirement d’atteinte à la protection des données personnelles. Ce qui nous intéresse dans cette affaire, c’est que la seule institution au monde à avoir une connaissance complète de tous les mouvements de fonds vers les paradis fiscaux, c’est SWIFT. En effet, on trouve dans le rapport annuel de SWIFT[2] le nombre de banques et d’institutions financières avec lesquels SWIFT correspond et le nombre de message envoyés et reçus, par exemple :
Banq. Inst. Env. Reçus[3] Popul.[4] Reçus/Popul.
Lichtenstein 5 13 1114 2312 0.034 68
France 46 250 166k 171k 64.058 2.7

On voit ce qui caractérise un paradis fiscal : il a une banque ou établissement financier pour 1890 habitants (en France 1 pour 216000), et il fait 68 virements internationaux par habitant et par an (France 2.7).
Ces données étant publiques, et leur interprétation assez claire, l’U.E. ne devrait pas avoir de difficulté à obtenir de SWIFT, société de droit belge, les informations que la CIA a obtenues. Les sociétés Clearstream et Euroclear, principales chambres de compensations internationales, et concentrant à ce titre toutes les informations nécessaires aux transactions avec les paradis fiscaux qui ne sont pas gérées par SWIFT (opérations sur titres en particulier), et dont on observe qu’elles sont représentées au conseil d’administration de SWIFT, devraient être aussi interrogées sur les renseignements qu’elles communiquent probablement aussi à la CIA, et dont l’U.E. devrait exiger la communication.
A partir de ces informations, la lutte contre les paradis fiscaux prendrait une nouvelle tournure.
[1] http://www.cnil.fr/index.php?id=2231
[2] http://www.swift.com/

[3] Banques, Institutions financières, Messages envoyés en milliers, Messages reçus en milliers
[4] en millions

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