26.10.04

Réformer la loi Galland ?

La critique de la loi Galland faite par M.E. Leclerc (« je voudrais baisser mes prix de vente, mais la vilaine loi m’en empêche ») semble ignorer que le prix de facture pratiqué par les fabricants dépend de toutes les charges auxquelles ils doivent faire face, y compris les marges arrières. C’est à dire que les prix de facture seraient moins élevés si les exigences de la grande distribution étaient moindre. Mais puisque la grande distribution exige des fabricants qu’ils supportent des coûts de distribution (ce que les marges arrières recouvrent essentiellement), elle ne peut s’étonner que les prix supportés par le client final les incorporent.

Cela conduit l’observateur impartial à poser quelques question pour clarifier le débat.

1ère question : La revendication de M.E. Leclerc suppose que ses prix de vente des produits de marque sont, avant toute réforme de la loi Galland, égaux au prix minimum de vente, c’est à dire le prix d’achat. Est-ce le cas ?

2ème question : On nous dit que les marges arrières représentent des montants considérables, on mentionne des chiffres de 30, 40 et même 50% du prix d’achat, et cela sur tous les produits de marque qui composent 50% du chiffre d’affaires. Où cela se cache-t-il dans le compte d’exploitation des grandes surfaces qui publient des résultats montrant quelques points de bénéfice, très insuffisants pour contenir les marges arrières. Serait-il possible que lesdites marges arrières soient versées aux centrales d’achat situées, mondialisation oblige, à l’étranger ?

3ème question : Les accusations portées par ME Leclerc contre les fournisseurs impliquent qu’ils augmentent leur prix de facture de manière abusive, ce qui signifie qu’ils n’auraient à craindre aucune concurrence. Est vrai dans la généralité des cas ? Au cas où leurs augmentations seraient faites sous l’empire de la nécessité résultant des exigences des grandes surfaces, ce qui est au moins plausible, n’est-ce pas préférable à la disparition du produit qui ne pourrait plus être vendu à des conditions normales, voire à la disparition du producteur?

4ème question : La prohibition de la vente à perte résulte du fait qu’il est évidemment malsain de vendre moins cher que cela ne coûte ; l’objectif du commerçant pratiquant la vente à perte est de sacrifier un article soumis à la concurrence et de se rattraper sur des articles moins concurrencés, dans le but de nuire à ses concurrents. Mais comment se définit la vente à perte ? La loi Galland adopte une définition simple : il y a vente à perte lorsque le prix de vente est inférieur au prix de facture net, avant toute diminution représentative des marges arrières. On voit bien que la référence au prix d’achat est faite au détriment d’une définition économique de la vente à perte qui ferait référence au prix de revient, c’est à dire l’ensemble des coûts qu’il a fallu exposer pour amener l’article considéré dans la réserve du point de vente, c’est à dire non seulement le prix net de facture majoré du port, mais aussi le coût de commande, le coût de réception, et le coût d’entreposage avant mise en rayon. Ainsi, dans la définition de la vente à perte, il y a lieu non pas à diminuer le prix d’achat mais à le majorer des coûts exposés par l’entreprise et ne figurant pas sur la facture d’achat.

5ème question : Quelle est la nature des marges arrières ? Ce sont de pseudo-services facturés par les grandes surfaces aux fournisseurs ; ces services étant décrits en général comme des frais de distribution (affichage, publicité, mise en avant, etc.) ; de ce fait, ils n’appartiennent aux éléments du prix de revient, mais aux frais généraux. Cette distinction est tellement importante qu’elle entraîne des taux de TVA différents pour le produit soumis au taux réduit, et les facturations de services qui y seraient relatives. En outre, il est évident que l’imputation produit par produit d’une facturation de catalogue publicitaire qui en comporte des centaine, est impossible, et si elle l’était serait pratiquement incontrôlable. Il est amusant de noter que ME Leclerc ne veut pas majorer le prix d’achat d’éléments venant du prix de revient, ce qui serait rationnel, mais veut en déduire des éléments de frais généraux, ce qui ne l’est pas.

Tout ceci ne devrait inciter personne à modifier la loi Galland, mais ce que veut M.E. Leclerc, c’est pouvoir clamer urbi et orbi qu’il vend moins cher que d’autres commerçants achètent, ce que la loi Galland l’empêche de faire dans le but de laisser une chance à la concurrence d’exister.

4.10.04

Incohérence

Les hôpitaux de l’Assistance Publique emploient des milliers de médecins et chirurgiens étrangers ; ils ont aussi « importé » des infirmières espagnoles pour réduire le déficit de 80000 infirmières créé par l’instauration des 35 heures ; on nous rappelle à chaque rentrée que faute de professeurs titulaires, on a recours à des vacataires étrangers.

Or, la mondialisation entraîne la délocalisation des emplois industriels les moins qualifiés, perte que l’on doit compenser par le développement d’emplois qualifiés non délocalisables. Ces emplois se situent, pour ce qui nous intéresse ici, dans le secteur de la santé, et de l’enseignement, mais également dans la sécurité et la maintenance. Il y a donc une incohérence manifeste dans les recours massifs à de la main d’œuvre étrangère (hors UE) qualifiée pour remplir des fonctions non délocalisables.

Les causes de cette incohérence sont les suivantes :
- les médecins étrangers constituent un expédient pour faire baisser les dépenses, expédient qui devient une nécessité quand le recrutement de médecins nationaux devient impossible parce que une bureaucratie irresponsable a réduit le nombre de médecins formés par le système dans le but de réduire les dépenses de la couverture maladie: magistrale erreur de prévision.
- Les infirmières étrangères résultent d’un besoin nouveau, fortuitement apparu suite à une « avancée sociale » elle-même subrepticement appliquée à la fonction publique initialement exclue du bénéfice de la loi sur les 35 heures (à juste titre, et en particulier pour ses conséquences dévastatrices sur l’hôpital). En supposant qu’il faille néanmoins l’appliquer à l’hôpital, rien n’empêchait de lancer un programme de formation d’urgence, et de la mettre en vigueur progressivement. Dans cet exemple, la faute ne réside plus dans une erreur de prévision mais dans une absence de prévision, le plaisir immédiat des promoteurs de la réforme rendant inutile toute anticipation de ses conséquences néfastes.
- Le cas des professeurs vacataires étrangers est moins clair, comme tout ce qui concerne l’Education nationale : politique syndicale, malaise du mammouth, errements bureaucratiques, difficile à dire. Quoiqu’il en soit, il s’agit aussi d’une incohérence avec une politique rationnelle de l’emploi en France.

Il semblerait donc que notre cher et vieux pays, dont le moins que l’on puisse dire n’est pas qu’il est sous-administré, manque d’un niveau de contrôle portant sur la cohérence des actions du gouvernement et des administrations ; on aurait pu penser que le Plan était le lieu idéal de ce contrôle, mais il a perdu son prestige et son autorité ; ce pourrait être une des principales responsabilité du Premier Ministre, mais c’est un problème secondaire pour un homme politique, fort satisfait de lui-même quand il a pu ne pas se contredire pendant une heure entière. Alors il reste le président …

Tant pis pour la cohérence … , peut-être en 2007...