Ce sujet ne peut être abordé sans un rappel du caractère original de l’Alliance : une approche nouvelle de la collaboration de deux entreprises industrielles respectant la personnalité,la culture et les marques de chacune. Cela n’a donc aucun rapport avec une fusion qui, même amicale, entraîne la prise du pouvoir absolu par le plus fort, conduisant ainsi fréquemment l’opération à l’échec.
La plupart des commentaires entendus sur le projet de faire entrer GM dans l’Alliance font manifestement référence à une fusion plus qu’à l’Alliance. Il faut se rappeler aussi que R.Wagoner, quand Nissan cherchait un sauveteur, avait rejeté cette possibilité pour GM au motif que tout l’argent qui y serait mis serait perdu ; il pensait Nissan condamnée à disparaître. Bien qu’il ait pu observer que non seulement elle n’a pas disparu mais qu’elle a regagné en peu de temps un niveau de prospérité enviable, il n’a manifestement pas perçu la différence qu’a constitué l’Alliance, comparée à une fusion.
Il n’est pas interdit de penser que D.Kerkorian a, lui, compris le potentiel de l’Alliance, même si ses objectifs personnels sont simplement de faire une plus-value rapide sur son paquet d’actions GM ; l’évolution du cours de Nissan après l’arrivée de Renault a évidemment pu l’inspirer.
Les principales objections soulevées par les commentateurs concernent la période à laquelle ce projet entrerait en application, période qui ne serait pas opportune car Renault vient de lancer un important programme sur trois ans dont la direction de Renault ne devrait pas être distraite, ainsi que le souci que Carlos Ghosn ne se consacre à GM au détriment de Renault et de Nissan. Sur ces sujets, il est raisonnable de penser que C. Ghosn n’a plus à prouver qu’il sait apprécier une situation dont la responsabilité lui a été confiée ; laissons lui donc le soin de décider à quel moment cela pourrait éventuellement être fait sans nuire aux objectifs en cours. On peut penser en particulier que l’équipe de choc de personnel Renault qui a fait l’opération Nissan est maintenant doublée d’une équipe équivalente de personnel Nissan, ce qui donne les moyens nécessaires pour une opération GM.
Si l’on admet que les méthodes qui se sont révélées acceptables pour les Japonais pourraient l’être également par les Américains, il reste deux difficultés à régler avant de commencer toute étude : la participation de Renault et de Nissan au capital de GM, et, last but non least, la sécurité juridique.
L’Alliance n’est pas la fusion, mais toute peine mérite salaire, et il faut qu’un éventuel sauvetage rapporte quelquechose à ceux qui l’ont accompli ; cela signifie que Renault et Nissan doivent avoir des options d’achat permettant de compléter leur participation finale à un chiffre compris entre 40 et 49% . L’image de GM pour l’Amérique rend-elle ceci possible ou non ? De plus, le Congrès qui s’intéresse toujours aux acquisitions étrangères d’entreprises américaines l’accepterait-il ? On peut en douter, au moins tant que la situation laisse espérer une solution différente.
La question de la sécurité juridique se pose toujours aux Etats-Unis, mais maintenant, après l’affaire EXECUTIVE LIFE, elle constitue, particulièrement dans le cas de sauvetage, un risque dissuasif. En effet, pourquoi consentir d’énormes efforts avec l’assentiment de toutes les parties administratives et politiques, s’il est toujours possible dix ans après d’être poursuivi et contraint d’accepter des compromis ruineux par un système juridique hors de contrôle ?
L’issue de cette affaire dépend évidemment de l’état réel de GM, sachant que le management en place attendra jusqu’au bout l’aide de l’état fédéral dont il pense qu’il ne laissera pas mourir une telle icône de l’industrie américaine.