La décision de Bouton de clôturer la position dans des conditions de marché extrêmement volatiles fut non seulement immédiate (Bouton déclara ensuite qu'il ne lui avait fallu pas plus d'un quart d'heure pour être convaincu de l'absolue nécessité de le faire), mais aussi exécutée extrêmement vite, la position de 50 milliards étant purgée en seulement trois jours.
Puis le Conseil d'administration se réunit à nouveau le 23 Janvier pour être informé de la situation et de ses conséquences. Cela conduisit à la décision de lancer une émission de 5.5 milliards € de titres. Trois autres réunions s'ensuivirent, et à celle du 30 Janvier le Conseil créa un Comité Spécial doté des pouvoirs les plus étendus pour s'assurer que :
- les causes et l'étendue des pertes de trading étaient complètement identifiées ;
- pour éviter de nouveaux incidents de même nature, des mesures de protection étaient instituées ;
- l'information émise par la banque décrivait les découvertes de l'enquête avec précision ;
- la situation était contrôlée d'une manière protégeant les intérêts de la compagnie, des actionnaires, des clients et du personnel.
Dans ce but, le Comité Spécial demanda l'intervention des services d'audit de PWC (PricewaterhouseCoopers).
Le 21 Février, le Comité Spécial soumit son rapport d'étape au Conseil d'Administration dont voici les premières conclusions.
- La responsabilité personnelle de Kerviel est en cause essentiellement en raison du dépassement des limites attribuées à son poste et des opérations fictives visant à les dissimuler.
- Mais cela ne suffit pas à disculper la SG de la possibilité qu'à eu Kerviel de poursuivre ses manœuvres si longtemps avant d'être découvert.
- Le fait que la fraude ne fut pas décelée pourrait s'expliquer par l'efficacité et la variété des techniques utilisées, ou le fait que les traders ne pratiquent as systématiquement des vérifications en profondeur. Et surtout par l'absence de certains contrôles.
- Cependant, le talent de Kerviel à masquer les opérations fictives, ne doit pas dissimuler l'inefficacité manifeste des différents services de contrôle interne ou externe de la SG. Les inspecteurs de la SG considéraient que les contrôles organisés par les services de support et de contrôle avaient été appliqués en respectant les procédures établies, pourtant ils ne purent identifier la fraude avant le 18 Janvier 2008.
En d'autres termes, l'affaire Kerviel n'atteint son ampleur finale qu'à cause de la multitude de dysfonctionnements de ses systèmes de contrôle interne.
Outre ces défaillances du contrôle de risque - qui fut la cause des retards dans la découverte des positions frauduleuses - des défaillances de communication furent aussi commises, défaillances qui pouvaient être constatées, dans un cas particulier, au dernier stade de l'affaire, à savoir lors de la crise de direction.
Le Comité Spécial découvrit aussi qu'une proportion non négligeable des dysfonctionnements exploités par Kerviel pour dissimuler ses opérations pouvait être attribuée au manque d'efficacité de la circulation des informations dans la hiérarchie de la SG, en particulier vers les services de contrôle.
Par contre, il apparaît que la SG a correctement respecté ses obligations d'information envers la Banque de France et la Commission Bancaire, de même qu'envers le public et les marchés.
J'arrête ici la description de l'affaire Kerviel telle qu'elle ressort de la monumentale étude du Professeur Eric Pichet : Kerviel n'a pu tricher autant que parce que la gouvernance de la SG fonctionnait très mal, ce qui n'était pas la faute de Kerviel.
2.2.16
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