13.7.08

L’hyper puissance a des courbatures

On nous annonce la première faillite d’un prêteur hypothécaire américain. Il est mis en faillite sans tentative de sauvetage parce qu’il est couvert par l'institution fédérale garantissant les dépôts bancaires, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). Le contribuable américain va payer les folies de son système financier, et cette fois on ne cherche pas à le lui dissimuler.
Dans le Washington Post du 11 juillet, on nous informait de la tenue d’une réunion de la Commission des Finances au cours de laquelle, en présence du Secrétaire d’État Paulson et du Président de la FED Bernanke son président a déclaré : « Nous avons certes le pouvoir de réagir aux crises, mais ce que nous sommes en train de rechercher ce sont les règles à instaurer pour réduire la probabilité des crises ».

Ce n’est évidemment pas très rassurant, sachant que la crise est annoncée depuis deux ans et a explosé depuis une année complète. Se pourrait-il que les prix Nobel d’économie, les Médaillés Field et autres super matheux qui ont conçu les instruments à l’origine de la crise ne coopèrent pas à la conception de procédures de régulations appropriées ?

C’est vrai que les parangons de la liberté du commerce n’ont pas de chance avec la régulation et d’une manière générale avec les normes qui la dominent. C’est ainsi que la loi mise promptement en œuvre cette fois après le scandale Enron (causé en grande partie par la collaboration active d’un régulateur mondialement connu, le cabiner d’audit Arthur Andersen), a eu pour conséquence visible 1. de décourager les entreprises honnêtes de rester cotées à New York en raison des dépenses causées par les nouvelles obligations, 2. De ne pas traiter du tout la régulation des sociétés financières, avec les conséquences qui en ont résulté.

Et les normes, dont on sait qu’elles sont un moyen considérable d’imposer une domination peu visible mais très profitables, peuvent aussi se retourner contre les géostratèges à courte vue ; les autorités américaines ont toujours été très laxistes sur les principes comptables, contribuant ainsi à encourager la « créativité » dans un domaine où elle n’a pas sa place. Cela a entraîné un long combat entre les comptables européens et leurs homologues américains, qui s’est terminé par la victoire des ces derniers, dans les emballements de la mondialisation et les complexes d’une Europe trop timide. Le résultat a été l’adoption générale, comme méthode de valorisation des actifs, de la valeur du marché. Quand les marchés sur lesquels devaient être coté les titres représentatifs, peu ou prou, des subprimes, ont fermé, la valeur du marché est devenue zéro. Selon le principe comptable européen il aurait suffit de déprécier le titre en proportion du risque réellement présent. Le résultat aurait été qu’au lieu de constater une perte de 100%, il aurait suffit de provisionner 5,10, voire 20 ou 30%, correspondant à la part réelle de subprimes dans le titre. Cela aurait évidemment fait une différence considérable dans l’évaluation de la crise et ses effets réels.

Le terrain des normes sera tout le temps un lieu d’affrontement entre puissances. Il est permis de s’interroger sur la common law, norme juridique au service des anglo-saxons, mais sans qu’elle puisse justifier d’un avantage technique compensant ses inconvénients par rapport au code. En particulier, et curieusement, c’est la vie des affaires qui en souffre (du côté du non-Anglo-Saxon bien entendu), sans que l’on sache toujours si les coûts entraînés par la common law sont dus à sa complexité intrinsèque ou à une manifestation du juridisme américain à l’entier bénéfice des cabinets d’avocats. Une chose est sure, elle favorise le protectionnisme des Etats-Unis intra-muros, en rendant possible une insécurité juridique réelle pour les concurrents étrangers.

Enfin, l’orgueilleuse devise « le dollar c’est notre monnaie et c’est votre problème » doit être remisée dans l’armoire des triomphes passés. Il n’est en effet plus possible de tout miser sur la croissance à attendre de la baisse des taux (d’autant que descendre en dessous des deux % actuels n’aurait probablement aucun effet sur l’activité), alors que l’inflation commence de rogner le pouvoir d’achat des ménages. Cela devrait, espérons-le, amener à une réflexion salutaire les nombreux ‘théoriciens’ qui désirent réformer la BCE.

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