20.4.09

Rétablir (ou restaurer) la confiance ?

Restaurer ou rétablir ? Les deux se dit ou se disent (comme disait Vaugelas), mais encore ?
On restaure ce qui s’est dégradé mais qui mérite encore d’être réparé ; on rétablit ce qui a chu, a été perdu, a disparu. Étant donné la gravité du mal, ne pouvant restaurer ce qui a disparu, nous opterons pour rétablir.

Ceci posé, quid de cet avis unanime, ou presque : pour sortir de la crise, il suffirait de rétablir la confiance. Remarquez le point après confiance. Il ne s’agit pas de rétablir la confiance en quelque chose ou en quelqu’un, mais la confiance tout court, à l’état brut, envers l’humanité tout entière, envers l’univers si besoin est, envers le gouvernement, s’il le faut, ou envers le banquier le plus dérégulé, pourquoi pas ?

C’est vrai que pour le gouvernement un électeur confiant qui gobe toutes les promesses, voire les simples déclarations, cela rend le dévouement quotidien à la cause publique infiniment plus facile, et même agréable ; et pour le banquier, un épargnant confiant qui remercie avec une émotion sincère quand on lui propose quelques titres Natixis à 18€[1] pour rendre ses économies plus productives, cela fait d’un labeur ordinaire un acte philanthropique digne d’admiration.

En effet, que deviendrait le gouvernement s’il fallait, chaque fois qu’un micro se présente, expliquer pourquoi la promesse faite le jour JJ du mois de MM de l’an AAAA, n’a, aujourd’hui, le jour JJ’ du mois de MM’ de l’an AAAA’, connu aucun commencement ni d’exécution, ni même d’étude (sans d’ailleurs que cela signifie, aussi peu que ce soit, la moindre annulation du projet, ni sa réduction, ni son report lointain, ni que cela interdise son élévation, lors de la prochaine élection, au rang de promesse officielle) ?

Que deviendrait aussi le banquier qui devrait expliquer à son client venant de constater sa perte de plus de 90% sur Natixis, qu’il lui avait conseillé ce placement uniquement sur ordre de sa Direction et parce qu’il touchait une commission sympathique sur chaque action placée (une banque ne vend pas, elle place de titres), mais qu’il n’avait pas la moindre idée, ni hier ni aujourd’hui, sur la valeur des titres Natixis en tant que placement, ni sur le terme auquel il serait optimum de les envisager ?

On voit que la confiance est aussi nécessaire au gouvernent qu’aux banques ; elle fait gagner, aux gouvernants et aux banquiers, un temps précieux ; elle évite aussi aux électeurs et aux clients des banques de perdre des illusions encore plus précieuses.

Le seul problème de la confiance à l’état brut, c’est qu’elle constitue la matière première essentielle des grands escrocs, le Ponzi et autres Madoff, qui n’existent que par elle. Elle est donc absolument contraire à l’idéal démocratique que Marc Sangnier concevait comme « le régime politique qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité de chacun ».

La confiance à l’état brut consiste à laisser la décision à d’autres, donc en renonçant 1. à prendre connaissance de ce qui motive la décision (démission de la conscience) et 2. à partager la responsabilité de ses conséquences. Mauvais choix, s’il en est.

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[1] Elles vaudront dis fois mois deux ans après

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